Sur les réseaux : Maître Benisti décrypte la jurisprudence relative aux congés payés

24 septembre 2025


A travers deux décisions parues au mois de septembre 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation modifie sa jurisprudence relative aux congés payés afin de se mettre en conformité avec le droit européen.

  1. Chambre sociale - pourvoi n°23-22.732

Le 18 juin dernier, la Commission européenne a adressé une lettre de mise en demeure à la France pour manquement aux règles de l’Union européenne sur le temps de travail et les congés payés.

Le gouvernement n’était pas le bon destinataire dans la mesure où depuis la loi portant des dispositions d’adaptation au droit de l’union européenne (loi DDADUE du 30 avril 2025), notre droit positif est conforme au droit de l’union.

En réalité, il appartenait au juge à travers sa jurisprudence de faire une interprétation conforme au droit européen.

Chose faite par décision du 10 septembre 2025.

Dans cette affaire, la question posée à la Cour est la suivante :

Un salarié placé en arrêt maladie pendant un congé payé a-t-il droit au report de ce congé ?

La réponse de la Cour :

En droit de l’Union européenne :

  • l’objectif du congé payé est de permettre aux salariés non seulement de se reposer, mais aussi de profiter d'une période de détente et de loisirs ;
  • l’objectif du congé de maladie est de permettre aux salariés de se rétablir d'un problème de santé.

Ces deux droits n’ont donc pas la même finalité.

Puisque la maladie l’empêche de se reposer, le salarié placé en arrêt pendant ses congés payés a droit à ce qu’ils soient reportés.

Il faut toutefois que l’arrêt maladie soit notifié par le salarié à son employeur.

Ainsi, dès lors qu’un salarié placé en arrêt maladie pendant ses congés payés a notifié à son employeur cet arrêt, il a le droit de les voir reportés. La Cour de cassation met ainsi le droit français en conformité avec le droit européen.

  1. Chambre sociale - pourvoi n°23-14.455

Dans cette affaire, la question posée à la Cour est la suivante :

Le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires doit-il prendre en compte les jours de congé payé ?

La réponse de la Cour :

En droit français, le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires ne tient compte que du temps de travail « effectif » :  dès lors les jours de congé payé ou de maladie sont exclus de ce calcul.

En revanche, en droit de l’Union européenne (UE), toute mesure pouvant dissuader un salarié de prendre ses congés payés est interdite : c’est le cas, par exemple, lorsque la prise de congé payé crée un désavantage financier (en l’espèce la majoration des heures supplémentaires).

Compte tenu de la primauté du droit européen, la Cour de cassation écarte la règle de droit français qui n’est pas conforme au droit de l’UE (art. 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE sur le droit au repos).  En effet, un calcul des heures supplémentaires qui ne tient pas compte des jours de congé payé fait perdre au salarié un avantage financier (la majoration des heures supplémentaires) qui peut le dissuader de se reposer. Désormais, le salarié soumis à un décompte hebdomadaire de sa durée de travail peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires sur la semaine au cours de laquelle il a posé un jour de congé payé et n’a donc pas réalisé 35 heures de travail « effectif ».

Lorsque le temps de travail est décompté à la semaine, un salarié peut obtenir le paiement d’heures supplémentaires même si la prise d’un congé payé l’a conduit à ne pas réaliser 35h de travail « effectif ».

La Cour met ainsi le droit français en conformité avec le droit européen.